Le refus du financement de la défense nous sauvera-t-il du réchauffement climatique ?

//Le refus du financement de la défense nous sauvera-t-il du réchauffement climatique ?

La Tribune de Lucie Pinson, fondatrice et directrice générale de Reclaim Finance, intitulée « La défense, ni responsable, ni durable » parue le 24 avril dans Agefi Asset Management, est stimulante par les questions qu’elle soulève.


Lucie Pinson nous dit que la guerre n’est ni durable, ni responsable.  Relevons une évidence : sauf à vouloir vivre dans la dystopie de 1984 de Orwell, personne ne souhaite une guerre durable. Les résistants du Vercors ou des Glières ne s’étaient d’ailleurs pas posé cette question. Ils s’étaient engagés contre l’occupant nazi. C’était la responsabilité de leur génération. Il faut donc être prudent avec ces assertions. Evidemment la guerre est alimentée par des énergies fossiles. A ce jour le vert et le kaki s’accordent mal.


Lucie Pinson nous dit aussi que la guerre n’a jamais engendré la paix. Elle a certainement raison. Mais le Mahatma Gandhi n’a jamais reçu de réponse à la lettre qu’il avait adressé à Hitler pour lui prêcher la non-violence. Cependant il est bien évident que le financement de l’industrie de l’armement via l’épargne ou l’investissement privé accroît sa capacité d’exportation dans le monde entier avec peu de contrôle sur l’usage final.


Nathalie Tubiana, directrice des finances et de la politique durable de la caisse des dépôts, note dans Agefi Management du 24 avril que ni la taxonomie, ni la CSRD, ni SFDR, ni les PRI (Principes de l’Investissement Responsable) n’excluent le secteur de l’armement. Seul le financement des armes prohibées par les conventions internationales (mines antipersonnel, armes biologiques …) est exclu. Cependant, précise-t-elle, les agences des finances et notations extra-financières dégradent la note des financiers et des sous-traitants. La question est donc de circonscrire le type d’armement à financer, autrement dit de différencier les canons Caesar des casques et gilets pare-balles. En l’occurrence, la caisse des dépôts s’est dotée d’une liste d’exclusions intégrée dans sa charte de finance responsable. Bien sûr, Lucie Pinson a raison : l’industrie de l’armement, opaque par nature, peut nourrir la corruption. Le commerce des armes est à l’origine de 40% de la corruption mondiale.


Par contre, il est difficile de la suivre lorsqu’elle affirme que la guerre n’est pas le prix à payer pour la paix. Il faut se souvenir que l’ennemi c’est celui qui vous désigne, vous kidnappe ou vous envahit. Faut-il encore la suivre pour croire que la guerre n’est qu’une hypothèse et le dérèglement climatique une certitude ? Sur ce dernier point, elle ne prend pas grand risque. Mais sur le premier, il faut se souvenir que, pour les services de renseignements français, l’invasion de l’Ukraine n’était qu’une hypothèse à la veille du 24 février 2022.


En fait, Lucie Pinson introduit une vraie question : elle affirme que le financement de la défense repose sur une inquiétante inversion des valeurs. Si la consommation de gaz russe par l’UE équivaut ou dépasse l’aide à l’Ukraine, l’absurde nous menace. La voie est évidemment l’autonomie énergétique avec des énergies renouvelables. Néanmoins, ceci n’emporte pas la question. Nous devons affronter deux menaces communes : une sur la démocratie en Europe et l’autre sur le dérèglement climatique et la perte de biodiversité. La question est : qui souhaiterait vivre dans une dictature, même verte, qui sauverait la planète, et à l’inverse qui souhaiterait vivre dans une démocratie à plus 4 degrés ? Il semble que nous n’avons pas le choix et que les deux menaces doivent être combattues en conscience et avec discernement. Il peut arriver que deux paradigmes s’imposent à nous.

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