Epargne et investissement à risque

//Epargne et investissement à risque

Colloque de l’AGEA à l’assemblée nationale le 20 mai 2025

Le 19 mai c’était Choose France. Notre président a annoncé qu’il souhaitait, en accord avec le chancelier Merz, mettre à l’écart la CS3D. Nous avons une pensée pour le député de Meurthe et Moselle, Dominique Potier, qui travaille depuis dix ans sur le devoir de vigilance. La CS3D est la règlementation européenne qui met en application le devoir de vigilance des entreprises. Le devoir de vigilance est le dispositif règlementaire qui nous protège, en Europe, de produits néfastes à l’environnement et au climat et interdit le travail forcé.

Maintenant venons-en à notre sujet. Il faut être attentif aux propos des artistes, ils comprennent le monde en profondeur et en avance sur nous. Éric Rochant, le créateur de la série « le bureau des légendes », disait sur France Inter le 22 avril que l’élection de Trump est un évènement de la même portée que la chute du mur de Berlin.

En quoi cela concerne-t-il notre sujet de ce jour ?

Nous avons affaire à une double attaque idéologique, nous les européens, attaque qui débouche sur un mercantilisme effréné qui remet en cause l’ESG. La première attaque est la suivante : Trump met en application de façon très appliquée le programme très conservateur de la Heritage Foundation dont le but est de lutter contre le progressisme des liberals. Le projet présente quatre objectifs principaux dans Mandate for Leadership : restaurer la famille en tant que pièce centrale de la vie américaine, démanteler l’état administratif, défendre la souveraineté et les frontières de la nation, garantir les droits individuels donnés par Dieu pour vivre librement. Il prévoit de réduire fortement les réglementations environnementales et climatiques pour favoriser la production de combustibles fossiles. Mais ce n’est qu’un aspect du trumpisme. La seconde attaque est portée par les libertariens américains, avec un idéologue entrepreneur, Peter Thiel, mentor de JD Vance, et porte-voix de la tech et de la Silicon Valley au sein des républicains. Pour eux la vie ne passe que par la défense des libertés individuelles, le darwinisme social. Le projet est de sortir de la politique pour refonder une société sur les droits exclusifs de l’individu et la légitimité du profit individuel. Pour eux, la liberté est supérieure à la démocratie et les monopoles n’ont pas à être combattus car ils permettent aux entreprises d’être plus profitables donc aux actionnaires de plus s’enrichir.

L’idéologie de la Heritage Foundation prospère sur l’esprit du temps qui est la peur : la peur de perdre son emploi, de la baisse du pouvoir d’achat, de la transformation de l’économie pour répondre aux défis technologiques de l’intelligence artificielle, de la menace environnementale, et la peur de perdre son identité. On comprend alors le « c’était mieux avant » d’un passé idéalisé qui oublie les progrès de la médecine, les progrès sociaux, les facilités de communication, de déplacement, et l’égalité femmes-hommes. L’idéologie de la Tech prospère, elle, sur ce que Tocqueville observait : l’individualisme qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse, à se retirer à l’écart avec sa famille et à abandonner la grande société à elle-même.

Donc les deux courants sont d’accords : garantir les droits individuels, c’est s’enrichir sans contrainte. Ils sont d’accord pour virer l’ESG car il contrevient à la défense des intérêts exclusifs des actionnaires. Or nous observons qu’une partie de la finance américaine fait sécession avec la science en refusant l’ESG.

Néanmoins, on peut observer que le mouvement MAGA n’a pas tué l’ESG. Il se fait simplement plus discret. Les terminologies sont changées. Inclusivité ou équité sont remplacés par opportunité pour tous. Mais surtout les investisseurs sont attentifs aux facteurs ESG qui ont une incidence positive sur les rendements.

Face à cette situation, nous devons réaffirmer que la terre est notre maison, que la science doit guider nos décisions et que la démocratie est notre bien suprême. Les valeurs éthiques doivent orienter nos investissements au risque d’aboutir à un monde qui se disloque sous les conséquences de la crise environnementale. C’est la représentation démocratique qui permet l’affirmation de choix éthiques collectifs. Il nous faut donc trouver des processus de représentation démocratique qui permettent aux épargnants de s’approprier les grands choix collectifs environnementaux et sociaux.

Alors, pourquoi ne pas réfléchir à l’introduction de l’empowerment dans l’épargne des particuliers et dans le soutien à l’engagement actionnarial des gérants impliqués dans l’ESG pour rapprocher l’opinion publique des enjeux de transformation de l’économie. C’est un des chemins à notre portée pour lutter contre la trumpisation des cerveaux. Agir ensemble est le meilleur moyen d’entretenir un projet et une espérance pour vivre dans une Europe conforme à ses valeurs démocratiques et sociales.

1 Cf le rapport du Forum pour l’investissement responsable (FIR) sur l’empowerment des épargnants

Partager