Un homme ça s’empêche (Camus). Une économie aussi…

//Un homme ça s’empêche (Camus). Une économie aussi…

Le dernier rapport du haut conseil pour le climat montre que la décarbonation de l’industrie en France a beaucoup ralenti en 2024. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont baissé de 1.8 % contre 6.8% en 2023. Cette pente est peu compatible avec la neutralité carbone ciblée en 2050, soit une baisse de 55% des GES par rapport à 1990.
Les secteurs les plus émetteurs de CO2 sont les transports et la construction1.
L’année 2025 est aussi l’année de la fronde d’une certaine partie des milieux industriels Européens contre la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Disclosure) au nom de la compétitivité, fronde qui fait partie de l’arrière-plan de cette inflexion de la baisse des GES. Ils la jugent trop contraignante. Il faut noter le soutien que leur a apporté le président Macron. Peut-on y voir un effet délétère du plan Draghi ? Il est certes évident que dans un monde soumis à une transformation accélérée, la compétitivité est un impératif. Rappelons qu’en France la productivité ne progresse pas alors que le maintien de notre régime social tient pour partie au partage des gains de productivité. Mais, le secteur industriel représente 17% des émissions de GES. Le haut conseil pour le climat note que son rythme de baisse a fortement ralenti : – 1.4% en 2024 contre – 10.2% en 2023.
L’industrie brune est au cœur du débat : métallurgie, cimenterie, chimie lourde… L’électrification des processus de fabrication, l’utilisation des énergies renouvelables (n’en déplaise au RN), captation du CO2, sont les moyens de décarboner la production.
Un mot nouveau est apparu : le backlash pour évoquer la violence d’un retour en arrière : protectionnisme trumpiste, remise en cause des politiques environnementales, atteinte au multilatéralisme, volonté de puissance des USA, de la Chine et de la Russie au détriment de la coopération internationale. Le pire serait de désespérer, ce qui conduirait à l’abandon de tout effort de ramener l’économie à l’intérieur des limites environnementales.
Il faut trouver des chemins pour se battre contre les tendances mortifères du retour en arrière et du mépris des contraintes environnementales. On peut évidemment jeter du ketchup sur la Joconde, mais l’effet sera faible. Il est plus efficace de s’intéresser aux possibilités du fléchage de l’épargne vers les secteurs qui décarbonent l’économie ou produisent des énergies renouvelables.
A tout ceux qui vous diront qu’ils n’aiment pas les contraintes qui entravent la liberté économique, rappelez leur la phrase de Camus2 : « un homme ça s’empêche » et ajoutez « une économie aussi » et proposez-leur d’investir avec le filtre des labels ISR, Greenfin, Finansol, CIES. C’est un combat vital de notre génération à mener avec la défense de la démocratie.

1Source Le Monde, Bastien Bonnefous, le 05.08.25
2Camus, La Chute 1956.

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